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Villiers de l'Isle-Adam (1838-1889)
La légende de l'éléphant
blanc
Nouvelle, alidades, 1999,
12,5 x 21 cm, 24
pages, 4,00 euros.
ISBN 978-2-906266-42-1
Humour et raffinement du style se
marient dans cette nouvelle parue en 1886. Imaginez qu'un directeur de zoo charge un aventurier connu et peu
scrupuleux de lui fournir un éléphant blanc, et sacré, de
Birmanie, et que cet aventurier doive trouver le moyen de faire
sortir l'animal du pays sans que nul n'y voie, bien sûr, rien.
Voilà toute l'affaire, qui risque fort de tourner mal.
Extrait :
" L’an dernier, lord W*** résolut de doter le Zoological Garden d’un véritable éléphant blanc. Fantaisie de grand seigneur.
Londres venait d’acquérir, à grands frais, un éléphant gris-poussière, clairsemé de taches rosées: mais cette prétendue idole indo-chinoise n’était que de qualité douteuse, à dire d’experts. D’après eux, le prince birman qui, moyennant un million, l’avait consentie à l’avisé Barnum, avait dû, pour surfaire l’animal, feindre le sacrilège de ce trafic... ou, plutôt, si le Zoological Garden avait accordé la moitié, seulement, de ce prix, le fameux puffist devait être, à coup sûr, maintes fois rentré dans ses réels débours.
En effet, si, dans plusieurs parages de la haute Asie, tel pachyderme de cette espèce plus que rare est revêtu du caractère sacré qui lui confère une souveraine valeur, c’est au seul cas où, dûment albinos, il n’éveille que l’idée très pure d’une ambulante et intacte “colline de neige”. – Quant aux éléphants de couleur imprécise, ou mouchetés de tares quelconques, ils n’y sont honorés que d’une superstition très vague, sinon tout à fait nulle.
Lord W***, donc, par orgueil national, conçut, pour en finir, le dessein d’enrichir l’Angleterre (mais incontestablement, cette fois) de la vraie bête auguste, réputée introuvable.
L’idée lui en avait été suggérée par la secrète confidence d’un grand touriste de ses amis. Celui-ci, déterminé voyageur, s’était aventuré, durant de longues années, au profond de ces mystérieuses forêts qu’arrose ce Nil birman aux sources tartares, l’Irawadi. — Or, affirmait-il, au cours de ses explorations à travers les villes perdues, les ruines mortes des temples, les rivières, les lumineuses vallées de Minnapore, il lui était advenu, par une certaine belle nuit, d’entrevoir, — dans la lueur d’une clairière peu distante d’une vieille ville sainte, — le mystique éléphant blanc, dont la couleur se confondait avec le clair de lune, et que promenait, en chantonnant des prières, un hiératique mahout. — Sur une carte spéciale était marquée, vers le 22° de latitude, la cité reculée aux environs de laquelle il avait relevé l’insolite apparition. "
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