éditions alidades

William Godwin (1756-1836)

Des domestiques
Du choix des lectures

Traduit par Emmanuel Malherbet.
Alidades, 2004,
12,5 x 21 cm, 36 pages, 5,00 €.
ISBN 978-2-906266-85-8

Faut-il laisser les enfants fréquenter les domestiques ? L'influence de ces êtres grossiers, vulgaires et dépravés ne va-t-elle pas pervertir les jeunes âmes ? Faut-il laisser les enfants lire ce qu'ils veulent, quand il paraît admis que bien des livres, et pas des moindres, peuvent avoir une influence fâcheuse sur la moralité des lecteurs ? C'est à ces questions que s'attache Godwin dans ces deux essais tirés de ses Réflexions sur l'éducation, les manières et la littérature de 1797. Et bien sûr les réponses qu'il y apporte seront loin d'être du goût de tous. C'est que le père de l'anarchisme philosophique, ainsi que le désigne l'expression consacrée, met la liberté et la raison au dessus de tout et sait tout autant désigner les véritables responsabilités, dont s'accommode fort bien la cécité sociale.

Extraits :

"Nous redoutons les mauvaises leçons que nos enfants pourraient recevoir des domestiques : mais quel genre de leçon leur donnons-nous quand nous leur tenons de tels propos ?
C’est une leçon de la plus insupportable insolence et de la plus méprisante aristocratie que le langage puisse faire entendre. Nous leur enseignons qu’ils constituent eux-mêmes une précieuse espèce de créatures, qu’il ne faut pas toucher avec trop de rudesse, qu’il faut entourer de barrières et protéger des accidents communs de la nature. Nous leur faisons voir les autres créatures humaines que la nature a faites, au front desquelles le système de l’univers a inscrit le nom d’homme, dont selon toute apparence les membres proviennent du même moule, mais sur quoi nous jugeons judicieux d’apposer une marque et une étiquette portant ces mots : N’approche pas de moi! Il se peut que dans un débordement d’humanité nous informions nos enfants que ces créatures doivent être traitées avec douceur, qu’il ne faut jamais ni les griffer ni les mordre, et que, nuisibles et dégradées comme elles le sont, il nous faut apaiser plutôt qu’aggraver leurs misères. Nous pouvons bien hocher le chef de compassion arrogante sur leur sort, il faut cependant en faire le même cas que du petit chien dans l’entrée, qu’il ne faut pas toucher parce qu’il a la gale. Cette leçon de ségrégation, combinée aux conceptions inachevées de l’enfance, produira presque nécessairement les effets les plus dévastateurs." (Des domestiques)

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"Une difficulté qui se présente souvent dans le commerce privé et domestique des parents et des enfants est de déterminer quels livres il convient que les enfants lisent, et quels ils ne devraient pas lire.
Il arrive souvent qu’il y ait des livres que les parents lisent et que l’on tient pour impropres aux enfants. Une collection de livres, il se peut, se voit à travers les vitres d’une bibliothèque ; l’enfant voit couvertures et titres. Mais la clé est soigneusement gardée, et on lui met en mains un seul livre à la fois, choisi par un adulte. On défend à une fille de lire des romans, et commence souvent avec cette interdiction un concours d’adresse et de rapine furtive pour l’enfant, et de soupçonneuse vigilance pour l’adulte.
Faut-il ainsi contraindre les enfants ? Est-il de notre devoir d’établir pour nos rejetons, de même que l’église de Rome a coutume d’établir pour les plus fragiles de ses membres un Index Expurgatorius, le catalogue des livres qu’ils seraient en droit de lire ? De nombreux inconvénients découlent immanquablement d’une telle précaution."(Du choix des lectures)