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Constantin Paoustovski (1892-1968)

NEIGE suivi de UNE AUBE PLUVIEUSE


Conducteur de tram, infirmier, puis reporter – notamment durant la révolution d'octobre –, Contantin Paoustovski a collaboré à différents journaux et revues. Il a pris une part active au mouvement de libéralisation de la culture initié à la fin des années cinquante. Il est à la fois un grand connaisseur de la littérature et de l'art, aussi bien de son temps que des époques antérieures. Auteur de très nombreux récits et nouvelles, de plusieurs romans, d'une importante autobiographie et de plusieurs ouvrages de réflexion sur les arts et la littérature, il a été tenu pour nobélisable.

Sa place dans la littérature soviétique est assez atypique et caractéristique d'une grande indépendance intellectuelle ; ni chantre du régime, ni dissident, il sera parfois considéré par ses pairs et le pouvoir en place comme un écrivain vaguement “bourgeois” représentatif d'un “classicisme” suranné, et partant ne valant guère qu'on s'y attarde.

Et pourtant, l'écriture de Paoustovski, délicate, précise, apte ô combien à recueillir toutes les nuances d'une situation, virtuose dans la restitution des atmosphères et des lieux, dépourvue de tout vain bavardage, jamais ostentatoire, fait de lui le parent russe d'un Giono, d'un Genevoix. Comme l'écrit Guy Imart : "Dans la littérature soviétique, Paoustovski a su créer une œuvre sereine, autonome, par-dessus la mode et la fureur de son temps, quoiqu'exceptionnellement, authentiquement russe, et humaine."


Neige suivi de Une aube pluvieuse



Récits traduits du russe et présentés par Guy Imart
bilingue, alidades 20
24, collection "petite bibliothèque russe",
Couverture : photo Pierre Malherbet.
64 pages, 7,00 €, ISBN 978-2-494935-02-0


Les deux nouvelles ici réunies, de 1943 et 1945, sont comme une pause délicate et sensible ménagée dans le grondement d'arrière-plan du carnage guerrier. Dans chacune, la rencontre d'un homme et d'une femme que rien ne devait rapprocher ; dans chacune, la gêne et la retenue de deux inconnus pétris de solitude. Mais aussi le hors-temps suranné et rassurant d'une ambiance provinciale, les sonorités du vent et de la pluie, les senteurs des bouquets et du thé, le friselis des flocons, tout cela que Paoustovski sait rendre avec la méticulosité du peintre, l'acuité du cinéaste et l'oreille du compositeur. Rien n'échappe à la subtile et tranquille finesse de ses perceptions.


Extraits :


"– Eh… fit le cocher en baillant, “À nuit pluvieuse, sommeil profond !”
Kouzmine attendit, sonna plus fort. Des pas se firent entendre sur la véranda en bois. Quelqu’un s’approcha de la porte, s’arrêta, tendit l’oreille puis demanda d’une voix mécontente:
– Qui est là ? Qu’est-ce qu’il vous faut ?
Kouzmine voulut répondre, mais le cocher le devança :
– Ouvre, Marfa, c’est pour Olga Andreevna. Quelqu’un qui arrive du front.
– Qui ça, du front, demanda, toujours aussi sèchement, la voix de derrière la porte ? Nous n’attendons personne.
– Vous n’attendez personne, mais voilà quand même quelqu’un.
La porte fut entrouverte mais sans ôter la chaînette. Kouzmine expliqua dans le noir qui il était et le but de sa venue.
– Seigneur, s’écria, effarée, la femme derrière la porte. Que de dérangements pour vous ! J’ouvre tout de suite. Olga Andreevna dort. Entrez, je vais la réveiller."

***

"Un battant de la fenêtre était ouvert. Dehors, au-delà des pots de bégonias, la silhouette d’un lilas détrempé reflétait la pâle lueur qui tombait de la fenêtre. La pluie, imperceptiblement, semblait chuchoter dans le noir. Dans la gouttière en zinc de lourdes gouttes égrenaient en hâte leur floc-floc.
Kouzmine prêta l’oreille au crépitement des gouttes.
La conscience de la fuite inéluctable de chaque minute – éternel tourment des hommes – le submergea à cet instant précis, au cœur de la nuit, dans cette maison inconnue qu’il allait quitter dans quelques minutes pour n’y jamais revenir.
– Est-ce que je me ferais vieux, pensa-t-il, et il se retourna ?
Sur le seuil se tenait une jeune femme habillée de noir. À l’évidence, elle s’était hâtée pour se présenter à lui et s’était mal recoiffée. Une natte tomba sur son épaule et la jeune femme, sans quitter Kouzmine des yeux, la releva en souriant et la fixa à l’aide d’une épingle sur sa nuque."


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