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Nizâr Qabbânî (1923-1998)

Ma vie avec la poésie (extraits)
suivi de
Notes dans le cahier de la défaite (poème).

Traduit de l'arabe (Syrie) par Claude Krul

alidades, collection ’Création’,
12,5 x 21 cm, 40 pages, cahier, 5,30 €, ISBN 978-2-919376-36-0

Né à Damas en 1923, Nizâr Qabbânî a consacré son existence à une carrière diplomatique à laquelle il renonce en 1966, et à l'écriture poétique qui l'accompagne jusqu'à la fin de sa vie. Il publie son premier recueil en 1944 (La brune m'a dit), qui sera suivi de plus d'une trentaine d'autres, privilégiant les thèmes amoureux et érotiques et menant une interrogation permanente et iconoclaste sur la place des femmes dans le monde arabe. Sa démarche s'inscrit, au-delà des choix thématiques, dans la recherche d'une langue poétique capable de parler à tout un chacun. En ceci, il a cherché à développer un moyen terme entre le classicisme poétique encore bien vigoureux à son époque et une langue, qui pour n'être pas dialectale, s'autorise la plus grande simplicité et s'aventure dans des champs lexicaux que certains jugeaient incompatibles avec la véritable expression poétique. Il faut y voir le souci du public, destinataire d'une poésie qui se veut vivante et présente. La défaite arabe de la guerre des Six jours conduit Qabbânî à orienter son propos vers des thèmes ouvertement politiques, à le radicaliser tout autant par la forme que par l'affirmation d'une critique sans compromis des mentalités politiques qui ont conduit à la défaite. Qabbânî n'est décidément pas seulement le "poète de la femme", comme on a bien voulu le dire. Il est encore aujourd'hui l'un des poètes les plus connus du monde arabe, mis en chansons, récité dans les réunions amicales, enseigné. Ses œuvres, traduites en anglais, en espagnol, ne l'ont été que très peu en français (les éditions Arfuyen ont publié un recueil en 1998, depuis longtemps épuisé).

L'édition que nous présentons*, faite d'un ensemble d'extraits
du livre mémoire Ma vie avec la poésie, a pour objectif de mettre en relief la nature du rapport de Qabbânî avec l'écriture, avec la tradition poétique arabe, mais aussi avec sa ville, l'enfance, l'histoire. Il s'agit donc d'un portrait de l'homme en tant que poète. Cet ensemble est suivi du célèbre poème Notes dans le cahier de la défaite, composé après la guerre des Six-Jours, et qui nous a semblé être l'aboutissement, sous l'effet des événements, d'une recherche conduite jusqu'à son terme naturel et prévisible.

extrait :

“Quand j’ai commencé à écrire, mon premier souci a été la langue que j’allais utiliser. Il y en avait bien sûr une, grandiose et offrant de prestigieuses possibilités, mais les linguistes en avaient fait leur terrifiant monopole, l’enfermant derrière leurs portes, l’empêchant de se mêler à d’autres et de sortir dans la rue.
La langue était un domaine privé, dont ces linguistes formaient la société d’exploitants. Toute sentence à rendre quant à la légalité d’un mot, de la transposition en arabe de tel ou tel terme technique ou scientifique demandait aux académiciens trois années d’observation et d’interrogation des étoiles, sans compter des milliers de verres de thé et d’infusion de camomille.
À côté de cette langue hautaine interdisant toute familiarité, il y avait le langage populaire, vif, changeant, uni aux nerfs des gens et aux petits faits de leur existence quotidienne.
Entre elles deux, tous les ponts étaient coupés. La première ne s’abaissait à aucune concession à la seconde et celle-ci n’avait pas l’audace de frapper à la porte de celle-là pour entrer et causer avec elle.
Aussi ressentions-nous un étrange dépaysement, ballottés que nous étions entre la langue que nous parlions dans nos foyers, dans la rue, au café, et celle dans laquelle nous rédigions nos devoirs scolaires, écoutions les cours de nos professeurs, passions nos examens.
Car l’Arabe lit, écrit, parle en public dans une langue; mais c’est dans une autre qu’il chante, plaisante, se querelle, câline ses enfants et courtise les yeux de sa belle.
Cette double langue qui nous est propre a fait que sont aussi doubles nos pensées, nos sentiments, notre vie.
Il fallait y remédier. Est alors née une langue tierce, qui empruntait à la langue académique sa logique, sa sagesse, sa pondération, et au langage populaire sa chaleur, son courage et ses téméraires conquêtes.

 

* Malgré toutes nos démarches, il nous a été impossible d'identifier les ayants-droits de Nizâr Qabbânî. Les éditeurs et institutions contactés soit ne nous ont pas répondu, soit n'ont pas pu nous renseigner. Nous avons choisi, en conséquence, de publier ce livret en réservant les droits. (note de l'éditeur et de la traductrice).



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