Elena Schwarz (1948 - 2010)
La Vierge
chevauchant Venise et moi sur son épaule
31 poèmes
traduits du russe par Hélène Henry.
alidades 2004, Petite Bibliothèque Russe,
12,5 x 21 cm, cahier, 52 pages, 6,50 .
ISBN 978-2-906266-56-8
Traduite en
allemand et en anglais, luvre dElena Schwarz
(Une quinzaine de recueils, dont deux anthologies récentes)
na connu en France que de brèves publications en revues ou
au sein danthologies consacrées à la poésie russe des
dernières décennies. Lun des plus prestigieux prix
littéraires de Russie, le prix « Triumph », vient
cependant de lui être décerné, portant sur le devant de la
scène une écriture qui, depuis les années 70, sest
élaborée, par la force des choses et le refus des
compromissions, dans le retrait.Vivant à Saint
Petersbourg, Elena Schwarz appartient à cette génération
décrivains qui ont voulu et su préserver, contre les
pressions soviétiques, puis contre la déferlante des sous
produits culturels consécutive à louverture à
louest, lexigence dun travail éminemment
personnel et original. Elle puise à différentes sources
tant la tradition biblique que les traditions populaires slaves
quelle transcende, une parole dun mysticisme
brutal, coloré, existentiel, hérétique sans doute (comme elle
en convient elle-même) par laquelle sexprime une
intériorité forte et torturée dans sa relation complexe à la
réalité humaine et à ce quelle peut avoir de troublant,
de violent et de problématique.
Le vers
dElena Schwarz nest pas libre ; mais ne
létant pas, il est néanmoins brisé, secoué, malmené,
ainsi quon peut lentendre lors de ses lectures
(notamment lors du dernier Printemps des poètes, à Lyon,
Montpellier, Bordeaux) et séloigne de la stricte
régularité encore bien souvent défendue par nombre de poètes
russes contemporains. Remarquablement et généreusement servi
par la traduction dHélène Henry, lensemble proposé
dans le présent recueil permet pour la première fois en
français de parcourir plus de vingt cinq années de
lécriture dElena Schwarz et de prendre la mesure de
la force extraordinaire qui traverse tout luvre de
cet écrivain dont à coup sûr on reparlera.
Une anthologie plus que conséquente de la poésie d'Elena Schwarz, présentée et traduite par Hélène Henry est parue aux éditions Les Hauts Fonds en 2020.
Extrait :
TRAITÉ
DE LA FOLIE DE DIEU
Dieu n'est pas mort, il
est seulement fou.
Cela, Nietzsche le sait,
et Sirius aussi, et la Kolyma.
Cela peut se dire en
sanscrit, en jouant des crécelles,
Dans un sifflet de train,
en relevant l'ourlet d'une robe
(Mais au Ciel, on l'ignore
encore).
Le six-milliardième
nouveau-né pourrait vous le piailler,
Mais il n'osera pas, peur
d'être renvoyé.
Mais nos nuits, qui les
tient ? Nos jours, qui les étire ?
De nos planètes et
comètes qui allume les feux ?
Sont-ce les anges, eux
tout seuls ?
En voici un qui veille et
qui, en bon comptable,
Dénombre les trillions
d'atomes. Vaine tâche.
Et cet autre qui saisit un
oiseau à pleins bras
Et qui gambade et rit et
s'esbaudit, étrange
Les anges aussi, alors ?
Le virus de folie est là
sous la peau, dans le soleil et dans le
cur.
Si toute créature est
folle, où s'ira réfugier le Créateur ?
La tête du monde a
explosé.
Il fait froid dans l'Eden.
Des trognes y parlent,
Et se nourrissent
d'ivraie.
Il ne reste d'espoir qu'en
la bonté de ceux
Qui dans la graine
d'arachide encloront même la folie sacrée.
1999