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Saúl Ibargoyen (1930-2019)

Été violent / Verano violento

Poèmes traduits de l'espagnol (Uruguay) et présentés par
Philippe Dessommes-Flórez.
Édition bilingue


alidades 20
22, 12,5 x 21 cm, 60 pages, 6,50 €, ISBN 978-2-919376-91-9

Saúl Ibargoyen est né en Uruguay en 1930, et décédé à Mexico en janvier 2019. Son militantisme culturel et un coup d’État civico-militaire lui ont valu la prison et l’exil. Il a obtenu la nationalité mexicaine, et a remporté de nombreux prix de poésie dans les deux pays, dont le Prix National de Poésie Carlos Pellicer, au Mexique, en 2002. Il est l’auteur de quelque quatre-vingts recueils de poésie (1956-2019), de romans, de nouvelles et d’essais. Une anthologie bilingue de son œuvre poétique, L’Arbre poésie, paraîtra en 2022 dans la collection «Paroles d’ailleurs» des éditions de l’Université de Grenoble-Alpes. Le recueil Verano violento a été composé dans les années 2017-2018.

La poésie saülienne est une réponse aux circonstances, heureuses ou malheureuses, personnelles ou collectives, un puissant levier cathartique, un antidote à l’aliénation et à l’emprise des systèmes, à la domination de l’homme par l’homme, toutes qualités qui la placent au niveau d’une vigilance philosophique, d’un viatique moral permettant de renaître à soi-même, pour soi et aussi pour l’autre. Ce n’est pas seulement en connaissance des déracinements, des traumatismes (familiaux, sociaux et politiques) vécus par l’auteur mais dans une fraternité étendue dans le temps et l’espace qu’une lecture de ce recueil peut se tenter, autrement dit en fonction d’une dimension intemporelle – d’une «durabilité multiséculaire» – de la poésie. Ou encore en ayant à l’esprit cette seule réflexion de Schelling, que Maurice Blanchot dit avoir trouvée chez Heidegger: «Celui-là seul est parvenu au fond de soi-même et a reconnu toute la profondeur de la vie, qui un jour a tout abandonné et a été abandonné de tout, pour qui tout a sombré et qui s’est vu seul avec l’infini: c’est un grand pas que Platon a comparé avec la mort.». (extrait de la postface)

Extrait :

 

LE FLEUVE ET LA MER

L’eau est la sueur de la Terre
Diodore d’Athènes

L’enfant que nous avons été
et que je suis encore
vieillissant dans une déclinante clarté
chairs amaigries et paroles insoumises
au moment d’écrire contemple
œil et lumière à jamais uniques
le grand fleuve que la mémoire
recycle, contient et recrache.
Enfant, garçon, copain, pibe, petit mec
qui ne voyait rien au-delà
du sacro-saint désir
de son ombre fringante sur le sable:
qui n’a jamais su le pourquoi de rien
ni rien du ciel
comme quartz transparent intouché
ni rien du cri de sa mère
lorsqu’il a fini par naître
ni rien du visage de son père
effondré de douleur
ni rien des odeurs de sa sœur
que la folie dévora
ni de l’avion englouti
parmi l’écume des décombres et de la bourbe
ni des corps assassinés
pourrissant sur les plages
ni du vent qui transporte
des sites pour la cendre à venir
ni de la jeune fille lavant
une mince culotte sur la rive
ni du grand fleuve qui jamais ne fut la mer:
ce grand fleuve
auquel l’enfant dardé de soleil
buvait et boit encore
juste pour ne pas mourir.

 

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