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John Donne
Méditations divines / Divine Meditations
alidades 2009,
collection bilingues.
Traduction, présentation et notes de Claude Salomon.
11,5 x 22,5 cm, 48 pages, cahier, 5,50 , ISBN 978-2-906266-84-1
VII
En tous points du globe imaginables, soufflez
Dans vos trompettes, anges, réveillez-vous,
Réveillez vous de la mort, vous myriades d’âmes,
Vous sans nombre, allez à vos corps dispersés,
Vous tous que déluge et feu auront anéantis,
Vous tous que guerre, disette, âge, fièvres, tyrannies,
Désespoir, loi, hasard auront tués, vous dont le regard
Verra Dieu, qui jamais ne goûterez au malheur de mourir ;
Mais qu’ils dorment, ô Seigneur, et moi qu’un temps je pleure
Car si, bien plus qu’eux tous, abondent mes péchés,
Il est tard pour demander en abondance ta grâce,
Tandis que nous sommes là, là sur cette humble terre,
Enseignes-moi le repentir : cela vaut aussi bien
Que d’avoir scellé de ton sang mon pardon.
VII
At the round earths imagin’d corners, blow
Your trumpets, Angells, and arise, arise
From death, you numberlesse infinities
Of soules, and to your scatted bodies goe,
All whom the flood did, and fire shall o’erthrow,
All whom warre, dearth, age, agues, tyrannies,
Despaire, law, chance, hath slaine, and you whose eyes,
Shall behold God, and never taste deaths woe,
But let them sleepe, Lord, and me mourne a space,
For, if above all these, my sinnes abound
‘Tis late to aske abundance of thy grace,
When we are there; here on this lowly ground,
Teach me how to repent; for that’s as good
As if thou hast seal’d my pardon, with thy blood.
Issu d’une famille catholique – sous le règne d’Elisabeth 1ère, il ne faisait pas bon l’être –, John Donne (1575–1631) s’est converti à l’anglicanisme en 1610. Sens de l’opportunité ou réelle conviction ? Un peu des deux, sans doute : en particulier, sous la contrainte des tourments matériels d’une vie de couple aux nombreux enfants. Cette précarité de vie ne fait pourtant pas de John Donne un inconnu des milieux de la noblesse londonienne (voir ses nombreuses adresses et dédicaces, notamment à la Comtesse de Bedford). Le roi Jacques 1er, par intuition esthétique autant que politique, dans la toute puissance de son caprice royal, ne voit en lui que le prédicateur qu’il serait. De fait, si sa poésie d’inspiration religieuse en donne tous les gages, sa poésie profane, n’est pas en reste : s’y respire un esprit de quasi-sermon – sens de l’interpellation, de l’argumentation, de la méditation spéculative sur fond d’ironie ou de parodie scolastique, en héritage de ses apprentissages au collège des Jésuites. Nommé diacre à Saint Paul de Londres en 1615 (avant d’en être le doyen en 1621), ses conditions de vie deviennent moins incertaines ; mais le temps des prédications prend le pas sur celui des poèmes.
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Les Divine Meditations, bien qu’on n’en connaisse ni l’ordre ni les dates de composition, sont, dit-on, antérieures à l’ordination de John Donne – soit : contemporaines de la période de conversion qui précède. Pourtant le sonnet XVII fait allusion au décès de son épouse, survenu en 1617, deux ans après la prise de fonction ecclésiastique du poète. Quant à l’unité d’inspiration, manifeste, elle rend improbable une trop longue durée de composition, eu égard notamment au cours changeant de la carrière du poète.
Ces poèmes sont une émouvante illustration de ce que peut-être la « prédication de chambre » à l’époque du baroque anglais. Ils scandent l’intimité d’un dialogue passionnel du soi au Soi d’un Très Haut. Il conviendrait de les mettre en regard des stances de Jean de Sponde, que la culture de Donne n’ignorait sans doute pas. C.S.
"Qui penserait que la foi rassure et donne des réponses, que celui-ci lise Donne en ses manières inquiètes et ses interrogations multipliées ..." Philippe Blanchon, Cahier Critique de Poésie, n° 20.
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