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Sergueï Essénine


Le dit de la grande campagne
Les 36
Pougatchev
L'Inonie
Chemin des livres n° 16


Le dit de la grande campagne

Bilingue, traduit du russe par Guy Imart
alidades 2021, collection ’Petite Bibliothèque Russe’,
12,5 x 21 cm, 48 pages, 6,00 €, ISBN 978-2-919376-78-0

Le dit de la grande campagne est une arche immense jetée par-dessus le temps de l’histoire et sur l’espace entier de la Russie: du Pétersbourg de Pierre à la guère civile qui suivit la révolution bolchévique. «Ce qui maintenant a surgi» et «le temps d’autrefois» s’y rejoignent et s’y fondent, étant de même matière, et parents dans le même destin héroïque et attristant de «tout un peuple laborieux».
«Je parle votre langue», dit Essénine à ce peuple, cette langue qui est celle de l’avoine et du seigle, de la terre à labourer, du «vert tendre des blés», du pain et des pâtés. Cette langue est la langue des moujiks dont les terres et les récoltes sont dévastées, dont les filles et les femmes sont violées, les enfants massacrés: «Chacun au combat / Défend sa chaumière».
Toute la force d’Essénine, dans ce poème de 1924, est de jouer sur la tension permanente entre la tonalité épique et les registres les plus prosaïques, de télescoper hardiment la vision d’en haut – qui embrasse les siècles, toute la Russie, et même la terre entière – et le foisonnement concret du détail (bottes et braies, ronflements sonores, remugles, comptines et chansons populaires, etc.). Le souffle épique naît du martèlement rythmique de l’écriture, de ses cabrioles assumées et déroutantes, de sa pseudo oralité si savante. Et si le lecteur pressé trouve que le texte tire à hue et à dia, c’est qu’il n’est guère sensible à la construction tout à fait maîtrisée du poème, qui se ferme en boucle sur lui-même une fois portés à leur apothéose les thèmes annoncés dès l’ouverture, et ce avec ce sens tout particulier de la musicalité qui est la marque d’Essénine.

Extraits :

Ohé, mon lilas bleu,
Haie vive de ciel bleu!
Au doux pays natal
Nul n’a la joie de vivre:
Courtils abandonnés,
Chaumières dévastées,
Prairies jamais fauchées,
Avoine foulée aux pieds,
Seigle couché.
Où trouveras-tu, moujik,
Refuge maintenant?

*

Ohé, pomme rouge,
Couleur de mon cœur!
On rosse Dénikine,
On rosse Kornilov.
Fleur, ô ma fleurette
Couleur de pavot.
Hâte-toi, amiral,
Dékoltchakove-toi!
Rumeurs loin en steppe,
Tonnerre loin en steppe.
Chacun au combat
Défend sa chaumière.
Innombrables au Don
Les vareuses de cuir.
À Piter, c’est clair,
Cette couleur abonde.
.

 


Les 36

Bilingue, traduit du russe par Guy Imart
alidades 2019, collection ’Petite Bibliothèque Russe’,
12,5 x 21 cm, 40 pages, 5,70 €, ISBN 978-2-919376-66-7

Les 36, un des derniers grands poèmes (ou chants) d'Essénine, s’inscrit pleinement dans ce genre du «drame lyrique», du récitatif narratif, cher à l'auteur; il y a là de la geste et du chant, de la scansion, du martèlement, de la pulsion, du bruit même, tout cela, cette matière sonore, constituant de toute évidence la préoccupation première de l’auteur, sans quoi rien de vif ne se pourrait dire. C’est à l’oreille qu’il faut traduire pareille gesticulation (qu’on ne s’y trompe, rien n’est là chaotique) des mots. C’est ce pari, ce jeu peut-être, d’une danse verbale ébouriffante qu’accepte Guy Imart, emboitant le pas à Essénine, tentant de faire renaître dans le français cette respiration de derviche, ce halètement signifiant. Car ce poème est plus qu’un poème; il tient du ballet, il tient de la prière, il tient de la rengaine; et ce dans un entrelacs de modernité et de tradition qui lui confère toute sa force, comme c’est le cas parfois chez un Stravinsky ou un Chostakovitch.

Extrait :

En Russie, que de routes…
Sur chaque route
Une tombe.
À chaque verste,
Une croix
Jusques à l’Ienisseï
Six mille et une
Congères.

À toute vapeur
Le train ;
Vague peur
En chacun.
Une fois menottés,
On les exile, pour sûr,
Pour de longues années
Excaver l’or
Dans les montagnes.

Peut-être t’adviendra-t-il
D’excaver à la pioche
L’anneau d’or
Que là-bas
Ta fille,
À la main gauche
Portera.

 

L’Inonie

Bilingue, traduit du russe par Christian Mouze
alidades 1998, collection ’Petite Bibliothèque Russe’,
14,5 x 21 cm, 44 pages, 5,30 €, ISBN 978-2-906266-26-1

Ce qui distingue Essénine, c’est une force de rupture spirituelle et sociale qui se traduit dans une parole écartelée entre l’imprécation et le blasphème et la nostalgie de la sérénité perdue liée aux origines rurales du poète. L’écriture est extrêmement tendue, la langue violentée parfois et si le souci de l’image demeure, c’est celui d’une image pervertie, retournée jusque contre elle-même. D’où une tonalité très dramatique et révélatrice d’un profond désespoir. L’ Inonie, précédée de Octoèque et suivie de L’homme noir, est ici donnée dans son intégralité.

Extrait :

Terrible aboiement des cloches de la Russie —
C’est que pleurent les murs du Kremlin.
À présent sur les pics des étoiles,
Je te soulève, terre!

Je m’étendrai jusqu’à l’invisible cité,
Je déchirerai le drap de la Voie Lactée,
Même à Dieu j’arracherai la barbe
Avec les dents de mon rictus.

J’empoignerai sa blanche crinière
Et lui crierai d’une voix de tempête :
Je ferai de toi un autre, Seigneur,
Pour que mûrisse le champ de mon verbe!

Je maudis le souffle de Kitèje
Et tous les vallons de ses routes.
Et je veux que sur des gouffres
Nous érigions un palais.

Je lècherai toutes les icônes,
Les faces de martyrs et de saints,
Je vous promets la cité d’Inone
Où vit le dieu même des vivants.

(L’Inonie, 2)

 

Pougatchev

Traduit du russe par Victoria et Guy Imart, présentation de Michel Niqueux.
alidades 2005, collection ’Petite Bibliothèque Russe’,
14,5 x 21 cm, 48 pages, 5,50 €, ISBN 978-2-906266-64-3

Franz Hellens et Marie Miloslawsky firent paraître en 1926 la première, et unique, traduction française du Pougatchev d'Essénine, reprise depuis par divers éditeurs. Sans doute les difficultés propres à ce texte au rythme savamment travaillé, où les niveaux de langues s'entremêlent dans un tissage poétique virtuose, ont-elles représenté un obstacle jugé infranchissable à une nouvelle transposition en français. Et pourtant, selon l'expression de Trotski, qui estimait et protégeait Essénine, Pougatchev "est Essénine de la tête aux pieds" ; toute sa poétique y est convoquée et le drame psychologique qui émonde octobre autant que la Révolution puise aussi bien aux sources littéraires qu'aux traditions populaires et à cette extraordinaire sensibilité aux choses de la nature qui traverse et nourrit toute l'œuvre du poète.

La présente traduction a su concilier avec bonheur la très grande fidélité au propos d'Essénine et l'exigence rythmique sans laquelle le texte ne saurait tenir. C'était une gageure ; c'est aussi, pour les lecteurs d'Essénine, un événement.

Extrait :

Non, non et non ! Je ne veux pas mourir.
Ces oiseaux planent en vain au-dessus de nos têtes.
Je veux encore, comme un adolescent, gaulant le bronze des tremblaies
Leur présenter la paume de mes mains jointes – blancs calices séreux.Comment cela, la mort ?
Cette pensée pourrait-elle se loger en mon cœur
Alors que j’ai dans la province de Penza une maison à moi ?
Je languis du soleil, je languis de la lune,
Du peuplier qui coiffe la lucarne.
Les bosquets, les torrents, les steppes, la verdure
Ne sont bénis que pour les seuls vivants.
Ecoute : je me fous bien de l’univers entier
Si je devais, demain, ne plus être de ce monde.
Je veux vivre, vivre, vivre,
Vivre à en avoir mal, vivre à en avoir peur !
Même en coupeur de bourses, même en traîne-misère.
Mais au moins voir gambader dans les champs les gais mulots,Entendre au moins au puits des grenouilles la chorale ravie.
Mon âme candidement bourgeonne – blanche fleur de pommier.
La brise a attisé un feu bleu dans mes yeux.
Instruisez-moi, au nom des cieux,
Instruisez-moi : me voici prêt à tout,
Prêt à tout afin de résonner au jardin des humains.

 

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